Jésus avait-il conscience d'être le fils de Dieu ?

Vitrail de la Passion, Église Saint-Pitère, Finistère

Vitrail de la Passion, Église Saint-Pitère, Le Tréhou - Finistère

Vitrail de la Passion, Église Saint-Pitère, Le Tréhou – Finistère

L’église Saint-Pitère de Le Tréhou (Finistère) fait partie des enclos paroissiaux renommés de Bretagne. À l’intérieur, on peut découvrir une merveilleuse baie de vitraux du XVIème siècle représentant des épisodes de la Passion du Christ. Un des panneaux évoque la prière angoissée de Jésus au Jardin des Oliviers.

Il est à genoux, dans une attitude de supplication, tendant les mains comme une offrande au Père qui lui offre, par l’entremise de l’Ange, le calice de la souffrance à venir. À ses pieds, Jean et Pierre reposent, dans un sommeil profond. Jacques n’y est pas figuré. Le jardin est évoqué tant par les plantes au sol, que par les branches d’olivier derrière le Christ, mais aussi par la haie dans le fond d’où l’on voit émerger les pics des soldats qui s’avancent.

Jésus est tourné vers son Père, il sait qu’il doit se livrer à ses bourreaux qui s’approchent pour sauver le genre humain : en donnant sa vie, il rachète ainsi tous les hommes d’une mort définitive. Telle est la mission que le Père lui a confiée, mission paternelle dont il avait déjà conscience devant les docteurs de la Loi, au Temple.
Cependant, hormis une représentation très classique de la scène, ce vitrail nous ouvre des perspectives symboliques intéressantes. L’attitude de Pierre et Jean endormis paraît tellement proche d’une scène de la Nativité. Une naissance ?

Comme si Jean était à l’image de Marie, à la fois dans la disposition de la jeune fille qui donne son Fils aux hommes à Noël, que celle de la Vierge affligée qui reçoit dans ses bras, au pied de la Croix, Jésus mort. Son manteau bleu, signe de son humanité, se retrouve sur le vêtement du Christ. Et au-dessus de sa tête, on distingue cette arche grise qui pourrait signifier la porte ouverte du Jardin, porte par laquelle passera Marie-Madeleine à la Résurrection, porte qui révèle aussi sa virginité, elle l’Hortus Conclusus (« Jardin clos » en latin. Marie est dénommée ainsi pour signifier sa virginité toujours intacte).

De même, l’attitude de Pierre, si proche de la représentation habituelle de saint Joseph. Est-il ce Joseph qui songe, l’Ange lui annonçant qu’il doit accueillir ce Fils qui troublera tant sa vie et celle de Marie ? Il est couvert d’un manteau d’or, comme l’Ange qui le domine, et d’une tunique rouge, comme Jésus, signe de sa Passion. Ou alors, serait-ce le manteau que va revêtir l’Église, par Pierre, comme image sur terre de présence du divin ? Et serait-ce la tunique rouge annonciatrice du martyre de Pierre, lui qui mourut crucifié à Rome, demandant que la croix soit inversée, ne se sentant pas digne de mourir comme Jésus ?

Le vitrail semble donc nous indiquer que la Passion de Jésus, son angoisse devant la mort qui s’approche, était déjà annoncée à la Nativité. Marie, surprise devant l’humanité de ce petit enfant, comme Jean ici, méditait tout cela en son cœur. Plus tard, Jésus, perdu par ses parents, sera retrouvé au Temple, et leur signifiait qu’il se devait aux affaires de son Père. Là encore, comme les deux disciples, Marie et Joseph méditèrent cette parole mystérieuse révélant sa divinité. Puis, à la Cène, Jésus offrait aux hommes le calice de son Sang, ce même calice qu’il reçut de son Père. Son humanité et sa divinité s’offraient d’un même élan pour le salut des hommes. Et cette Passion s’ouvrait sur une espérance, celle d’une porte ouverte, celle d’un Jardin – celui que l’on croyait définitivement clos depuis la faute d’Adam et Eve – d’une porte qui s’ouvrait sur la Résurrection.

Jésus le savait. Il en avait volontairement revêtu l’habit, le bleu de son humanité, le doré de sa divinité et le rouge de sa Passion qui commençait. Jésus priait… C’est aussi dans la prière que Dieu nous révélera ce qu’il attend de nous, dans notre libre choix de l’adéquation à sa volonté. Marie, reçue chez Jean, nous y aidera. Pierre, figure de l’Église naissante, nous réconfortera. Levons-nous et prions pour ne pas entrer en tentation, celle de ne pas savoir que nous sommes aussi appelés à entrer dans le Jardin.

Père Olivier Plichon, aumônier de la communauté des français expatriés à Milan