L’Évangile est-il toujours d’actualité ?

Le Lavement des pieds, église d’Artonges (Aisne)

Le Lavement des pieds, église d'Artonges (Aisne) Une maraude à la rencontre des sans-abri dans Paris par l'association Emmaüs

Le Lavement des pieds, église d’Artonges (Aisne), une maraude à la rencontre des sans-abris dans Paris par l’association Emmaüs

Comment montrer à travers une œuvre d’art l’actualité de l’Évangile ?
Saint Luc, qui n’utilise pas moins de 12 fois le terme « aujourd‘hui » peut nous aider à répondre à cette question. Lui, dont on qualifie l’évangile « d’évangile de la miséricorde » dit « Aujourd’hui, vous est né un Sauveur » (Luc 2, 11) et nous en donne le portrait quelques pages plus loin : « Jésus vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » (Luc 4, 16-21).

Oui, Jésus va porter la Bonne Nouvelle sur les routes de Judée, de Galilée, de Samarie. Il va guérir, consoler, libérer, pardonner. Et cela l’amènera à donner sa vie pour le salut du monde. Peu avant d’être cloué au bois de la Croix, il anticipera ce don en se faisant serviteur, il lavera les pieds de ses disciples. Lui le Maître de tout, le Fils de Dieu, va se mettre à genoux devant Pierre pour accomplir un geste fait généralement par des esclaves. « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » (Jean 13,15).  Par ce geste, Il rappelle à ses disciples que le Royaume n’a d’autre loi que celle de l’amour gratuit et du service de Dieu à travers le service du prochain. Il révèle comment son Père veut être servi : les disciples doivent se mettre au service de leurs frères comme Jésus l’a fait lui-même. « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie » (Marc 10, 45)

Nous ne connaissons pas l’auteur du tableau conservé dans l’église d’Artonges (Aisne), mais peu importe. Quel qu’il soit, il a su nous donner à voir cette scène. Jésus et Pierre, face à face. Le premier, sur un fond clair. Le second se détache du fond noir sur lequel ressort son vêtement mêlant le jaune de la tunique et le rouge du manteau. Ces couleurs signifient  qu’en Pierre sont mêlés le reniement, la traîtrise – le jaune en a longtemps été considéré comme le symbole – et le sang du martyr, de la vie donnée. Pierre, dont la foi a pu chanceler, a pourtant configuré sa vie à celle du Christ, avec la grâce de l’Esprit reçu à la Pentecôte.

C’est ce même Esprit qui, aujourd’hui encore, anime des hommes et des femmes de notre temps lorsqu’ils se mettent au service des plus pauvres, des exclus, des démunis, des laisser pour compte…

Que ce soit dans le cadre d’organisations caritatives confessionnelles ou d’ONG laïques, ils guérissent, consolent, libèrent.

La similitude de posture est frappante lorsque l’on compare le tableau d’Artonges avec la photo de bénévoles d’Emmaüs lors d’une maraude de nuit dans les rues de Paris. Se mettre à genoux devant un SDF, c’est lui signifier sa dignité, c’est reconnaître en lui un frère vers lequel le Christ nous envoie pour lui apporter en actes écoute, assistance au nom de Celui qui nous appelle à mettre notre tablier de service.

« Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? »

Et le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25, 37-40)

Bertane Poitou, déléguée diocésaine à la communication, diocèse de Saint-Claude