Le Calvaire, d’Andrea Mentegna
« Le Calvaire » (1457) d’Andrea MENTEGNA (Musée du Louvre) est un chef d’œuvre de la renaissance qui peut nous aider à répondre à cette question. Nous n’utiliserons ici que le centre et la partie gauche du tableau.
Que voit-on ? Au centre, le Christ est crucifié. Il est tué. Le sang coule de son côté percé. Nul doute, l’homme est mort. Jésus vient de rendre son dernier souffle.
En arrière-plan, l’artiste a peint un immense rocher. Je pense à cet hymne que l’on chante à la prière du matin : « Rocher Nouveau d’où sort le fleuve de la vie, Tu es venu abreuver ceux qui croient en Toi… »
Par un effet de perspective astucieuse, le chemin qui descend de la ville et qui contourne le rocher semble prendre son origine dans la roche elle-même. C’est à croire que du rocher coule une sorte de rivière. Elle est sinueuse et elle s’élargit, tel le fleuve dont parle Ezéchiel dans sa vision du Temple (Ezéchiel 47,1-9.12). Et au premier plan, comme les premières gouttes de la rivière sortie du rocher, les saintes femmes. Il me semble que le peintre veut nous transmettre un message.
Le Rocher représente le cœur du Christ. Saint Jean raconte que du côté blessé du Christ a jailli du sang et de l’eau (Jean 20,34). Autrement dit, malgré la mort réelle de l’homme, l’Esprit poursuit son œuvre et donne vie à une communauté qui est l’Église. Au pied de la croix de Jésus, la communauté des croyants est naissante.
Cette communauté est éprouvée. Marie, Mère de l’Église, souffre de la mort de son fils. Mais la fraternité, l’entraide, le soutien de ses amies l’empêchent de tomber. Désormais, par l’amour reçu du Christ mort en croix, les hommes et les femmes reçoivent une force : l’Esprit-Saint. Grâce à Lui, ils peuvent se tenir debout, vaincre la mort. L’amour est plus fort que tout.
D’ailleurs, et encore par un effet de perspective, on dirait que le groupe des saintes femmes va bientôt sortir du tableau. Comme si il n’y avait plus de limite.
Derrière Le rocher, on découvre une ville : Jérusalem. La ville sainte semble toucher le ciel. Pourtant, nous le comprenons ici, la vraie ville sainte n’est plus entourée de remparts. Elle n’est plus fortifiée. La « Jérusalem céleste » est une communauté de personnes fragiles qui s’entraident et qui s’aiment.
Alors oui, Jésus qui est Dieu est mort sur la croix. Mais l’Esprit d’amour, l’Esprit Saint qui l’anime se transmet et donne naissance à l’Église, Corps du Christ. « Quand deux ou trois sont rassemblés, je suis au milieu d’eux » dit Jésus. Il dit aussi : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. » (Matthieu 28, 20).
En suggérant le don de l’Esprit, Mantegna montre que c’est justement sa mort qui témoigne combien Jésus est Dieu !
Père Xavier Lemblé, prêtre du diocèse d’Arras.