Sacro Monte di Varallo – Gaudenzio Ferrari – XVI° siècle
Sacro Monte di Varallo – Gaudenzio Ferrari – XVI° siècle
Chapelle 19 : « L’entrée du Christ à Jérusalem »
Une des traditions du Nord de l’Italie est de proposer aux fidèles un parcours spirituel grâce à des chapelles disséminées dans la montagne. Le Sacro Monte di Varallo de Gaudenzio Ferrari est certainement un des plus célèbres et conte en 45 scènes, constituées de plus de 800 personnages grandeur nature, l’histoire du Christ, de l’Annonciation à la Mise au tombeau.
La représentation de la scène est particulièrement proche de l’évangile de Matthieu. On y voit au centre Jésus monté sur son ânesse, accompagnée à ses côtés de l’ânon. Devant lui, la foule dépose des manteaux sur le sol ; rameaux en main, ils acclament Jésus. Des enfants, juchés dans les arbres, décrochent de nouvelles branches. Malheureusement, la photographie ne permet pas de distinguer le soldat sur le haut de la porte qui semble crier « Qu’est-ce que c’est ? »
Tant l’évangile de Matthieu que la représentation qui en est ici faite semblent illustrer au mieux notre question.
- Monté sur l’ânesse, il est le Roi, humble, annoncé par le prophète Zacharie (Zacharie 9, 9).
- Acclamé, il est le Sauveur (rappelons que la parole Hosanna veut dire « Sauve-nous ! » en hébreu). Et les rameaux signifient notre désir d’être replanté (rameaux verts et sans racines que nous sommes) dans le Paradis.
- Il est le Messie, devant qui chacun s’agenouille, petits et grands.
- Il est le Fils de l’Homme, pleinement Dieu et pleinement homme, comme le rappellent les deux couleurs de son manteau, le rouge de sa divinité et le bleu de son humanité. Une autre allusion est faite à la Trinité par les trois doigts que Jésus tend, comme pour indiquer qu’il est le Fils de l’Homme aux côtés du Père et de l’Esprit.
- Il est le Rabbi, celui qui nous explique les Écritures, tenues en main par l’homme au premier plan.
- Il est le Seigneur, devant qui l’on retire son vêtement, comme lui-même le fera quelques jours plus tard avant de se laisser accrocher à la Croix.
L’image pourrait aussi nous faire découvrir d’autres dénominations christiques.
- Il est la Porte (celle par laquelle il vient de passer à droite).
- Il est le Chemin, celui qu’il parcourt humblement sur la terre des hommes pour nous mener au Royaume.
- Les bouquets de rameaux que cueillent les enfants s’appellent des lulav (en hébreu) et sont constitués de quatre types de branches : une branche de palmier-dattier, trois branches de myrte parfumée, deux branches de saules, une branche de cédrat. Ce bouquet symbolise l’unité du peuple autour de la connaissance de la Torah (les branches parfumées) et de ses actes (les fruits). Jésus est celui qui va incarner véritablement cette unité comme Maître du Sabbat, mais aussi Rabbi qui réalise les Écritures.
Il est enfin une curiosité sémantique propre au texte de Matthieu et reprise dans la scène.
- C’est celle de cet homme (hors de champ, il est en haut de la porte de droite) qui va crier « Qu’est-ce que c’est ? » Surpris du bruit de la foule, regardant Jésus entrer à Jérusalem, il s’interroge. Mais, la traduction de cette question en hébreu peut nous rappeler bien des choses : Man hou. C’est la parole prononcée dans le désert par le peuple (Ex 16) devant ce « pain descendu du ciel ». Cela donnera le mot français « manne ». Oui, Jésus est aussi annoncé ici comme la Manne, le pain descendu du ciel qui nous nourrit quotidiennement !
Père Olivier Plichon, aumônier de la communauté des français expatriés à Milan.