Christ et Jésus, est-ce le même ?

L’arbre de Jessé et la généalogie de Jésus, Livre des psaumes, 13ème siècle

Psaume livre des psaumes

 

Livre des psaumes, XIII° siècle, Psautier Ingeburge (1210)

conservé au Musée Condé de Chantilly.

 Évangile selon Saint-Matthieu (chapitre 1) :

GENEALOGIE DE JESUS, CHRIST, fils de David, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram,  Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naassone, Naassone engendra Salmone, Salmone, de son union avec Rahab, engendra Booz, Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé,  Jessé engendra le roi David. David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon, Salomon engendra Roboam, Roboam engendra Abia, Abia engendra Asa,  Asa engendra Josaphat, Josaphat engendra Joram, Joram engendra Ozias, Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Acaz, Acaz engendra Ézékias, Ézékias engendra Manassé, Manassé engendra Amone, Amone engendra Josias, Josias engendra Jékonias et ses frères à l’époque de l’exil à Babylone. Après l’exil à Babylone, Jékonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel, Zorobabel engendra Abioud, Abioud engendra Éliakim, Éliakim engendra Azor, Azor engendra Sadok, Sadok engendra Akim, Akim engendra Élioud,  Élioud engendra Éléazar, Éléazar engendra Mattane, Mattane engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. Le nombre total des générations est donc : depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, quatorze générations ; depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations.

L’arbre de Jessé est un sujet très souvent représenté au Moyen-âge. On le retrouve, avec de multiples variantes dans divers manuscrits enluminés. Il est l’illustration de la prophétie d’Isaïe : Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines (Is. 11,1)

La scène semble être située dans une église, dont on distingue les deux tours et la voûte de l’abside. Comme beaucoup d’églises byzantines, elle est couverte d’une mosaïque d’or, signe de la divinité.

Jessé, couvert du traditionnel bonnet juif, est allongé endormi. Ses bras croisés préfigurent-ils déjà la mort en croix de Jésus ? Son attitude nous rappelle étrangement celle de Joseph songeur lors de la fuite en Égypte, mais aussi celle de Marie lors de la naissance du Christ. Par Marie et Joseph naîtra aussi une nouvelle lignée dont nous sommes les héritiers et fils : l’Église.

Du flanc de Jessé, comme du côté d’Adam, jaillit un arbre dont les quatre niveaux représentent de bas en haut Abraham (jouant de la viole de gambe), puis David (tenant la harpe des psaumes), puis Marie (tenant un livre – certainement celui d’Isaïe annonçant que la Vierge enfantera un fils – et la main droite tendue et ouverte, signe de l’accueil au message de l’ange : qu’il en soit fait ainsi) et enfin le Christ. Chacun est entouré de branches qui se développent en rinceaux feuillus. Les trois premiers personnages sont entourés de rinceaux qui forment étrangement un calice. Leur vie n’a-t-elle pas participée au même calice que celui de Jésus. Quant à ce dernier, il est montré dans une mandorle (cette ellipse en forme d’amande) qui rappelle qu’il est engendré et non créé.

Cet arbre symbolise la lignée royale de Jésus (les trois figures intermédiaires sont toutes couronnées), trônant, comme dans l’abside de cette église, en Pantokrátor, revêtu d’une robe bleue rappelant son humanité, et couvert d’un manteau rouge, signe de sa divinité. Tenant de la main gauche le Livre de la Parole de Dieu (il est le Verbe de Dieu), il bénit de la main droite. Il n’est pas couronné, car sa royauté est bien autre. Elle est celle de son onction par l’Esprit-Saint lors de son baptême. Ce sont ces sept esprits, sous forme d’une colombe, qui constituent sa couronne : Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur – qui lui inspirera la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins. (Isaïe 11, 2-5) À ses côtés, deux anges aux ailes multicolores semblent nous le montrer.

La prophétie de sa venue était ancienne. De grandes figures du Premier Testament l’avaient annoncée. Ainsi, nous reconnaissons à gauche de Jessé, de bas en haut : Malachie, Daniel puis Isaïe. Et à sa droite, toujours de bas en haut : Aaron, puis Ezéchiel et enfin, une exception au groupe des prophètes, la Sybille de Cumes. La tradition veut qu’elle ait annoncé qu’un enfant descendra du ciel par une Vierge. Chacun, hormis Aaron, tient en main un phylactère (ancêtre des bulles des bandes dessinées !) où sont écrites leur prophétie. Aaron, le grand prêtre couvert de cette sorte de mitre, et portant l’éphod (vêtement liturgique des prêtres hébreux), est à lui seul l’annonce du Christ comme grand prêtre. Tous sont inspirés, témoin cette colombe divine qui vient leur susurrer à l’oreille la prophétie.

Cette belle enluminure nous montre bien Jésus comme étant issu d’un arbre, d’une généalogie humaine. Il trône, telle la plus belle des fleurs, au sommet. Mais il est aussi le Christ, l’envoyé de Dieu, celui qui est oint, couronnée des dons de l’Esprit. Toute la Bible l’annonçait. Cette fleur, en haut de l’arbre deviendra le fruit du nouvel arbre de vie qui nous permettra d’entrer au Paradis. Ce nouvel arbre de Vie, où siège le Christ est bien notre Église, là où il vient se donner par son corps, nous permettant ainsi d’accéder à sa divinté.

Cette enluminure est comme l’illustration la plus parfaite de ce que disait saint Irénée de Lyon : «Si Dieu s’est fait homme, c’est pour que l’homme devienne Dieu».

Père Olivier Plichon, aumônier de la communauté des français expatriés à Milan.