Retable de l’église de Mouthier-Vieillard à Poligny dans le Jura
Sculpté en 1534, à la demande de Jehan Dagay, notable local, il est en albâtre et présente les caractéristiques de l’art de la Renaissance : maitrise de la perspective et reprise des canons de l’Antiquité. Composé de 3 panneaux – l’Annonciation, l’adoration des bergers et l’adoration des mages- il est en quelque sorte un livre ouvert sur le mystère de la naissance du Sauveur.
L’artiste qui l’a composé a sûrement dû prendre le temps de méditer les textes d’Évangile qui relatent ces épisode de l’enfance de Jésus. Alors faisons comme lui pour comprendre ce qu’il offre à nos yeux.
L’Annonciation
C’est saint Luc qui nous parle de cette visite de l’ange Gabriel à une jeune juive prénommée Marie pour lui annoncer que Dieu l’a choisi pour être la mère du Messie attendu. On peut imaginer la surprise de cette toute jeune fille devant une telle irruption dans sa vie. C’est ce que le sculpteur traduit en nous la montrant se retourner pour découvrir l’ange, délaissant la lecture qu’elle est en train de faire. Mais ce qui est sûrement le plus parlant dans cette représentation c’est l’agneau couché sur deux livres situé sous le meuble sur lequel Marie est appuyée. A aucun moment, saint Luc ne mentionne ce détail. Alors il faut trouver une interprétation. Pour ma part je vous en propose plusieurs, tant un mystère ne peut se comprendre qu’avec plusieurs éclairages. L’agneau c’est le Christ, qui par sa mort et sa résurrection (Nouveau Testament) va accomplir les promesses de vie que Dieu a faites à son peuple en le libérant de l’esclavage en Égypte (Ancien Testament). Mais c’est aussi une façon de nous rappeler, comme le fait saint Jean dans le prologue de son évangile, que le Christ est présent de toute éternité -Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu,et le Verbe était Dieu.- et que le « oui » de Marie va lui donner chair. Enfin nous pouvons peut-être aussi interpréter cette représentation comme étant le signe que le salut des hommes est premier dans le plan de Dieu – « le salut n’est pas le péché réparé, mais c’est le péché qui est le salut refusé » (Jean-Noël Bezançon)- mais que Dieu choisit de passer par les hommes pour le manifester.
L’adoration des bergers
Tous les éléments d’une crèche traditionnelle sont là. Marie, Joseph, l’enfant Jésus, le bœuf, l’âne et les bergers. Seulement ici, si l’on regarde bien, on remarque un berger couché à même la terre comme l’enfant Jésus. Seulement c’est ce berger qui soulève l’enfant pour le donner à voir aux fidèles qui se recueillent devant le retable. Tout ce que nous dit saint Luc sur la capacité des petits, des exclus (ce qu’étaient les bergers à l’époque de Jésus) à reconnaître dans le fils du charpentier de Nazareth le Messie attendu est traduit dans cette attitude. Plus encore, non seulement les bergers reconnaissent le Messie dans l’enfant de la crèche, mais ils le donnent à voir, le révèlent au monde.
L’adoration des mages
Mathieu, au chapitre 2 de son évangile nous relate l’histoire de ces hommes venus d’Orient, des non-juifs, des païens, qui découvrant une étoile dans le ciel se sont mis en route. Il ne nous précise pas combien ils étaient. C’est la tradition qui en a fixé le nombre à trois en référence aux présents –l’or, l’encens et la myrrhe- qu’ils offrent en arrivant à la crèche. Mais ce qui est certain c’est que Mathieu, par cet épisode veut traduire que des non-juifs sont capables de reconnaître le Sauveur. Une autre façon d’affirmer que le salut de Dieu est offert à tous les hommes, qu’il est universel. Et c’est bien ce qu’a traduit le sculpteur du retable en esquissant à la suite des mages une caravane constituée d’hommes, de femmes et d’animaux s’étant mis en route guidé par l’étoile annonçant la naissance de Celui qui est la Lumière du monde, le Chemin, la Vérité et la Vie.
Aujourd’hui, comme Marie qui a consenti à voir sa vie bouleversée en acceptant la demande du Seigneur, comme les bergers qui révèlent le Sauveur aux hommes, comme les mages qui découvrent en Jésus la Lumière du monde et se mettent en route, chaque chrétien est appelé à accueillir toujours plus le Christ pour devenir toujours mieux disciples et ainsi encore plus rayonner de la joie de la Bonne Nouvelle : un Sauveur nous est né, il a pris notre humanité pour que nous puissions être unis à sa divinité.
Bertane Poitou, déléguée diocésaine à la communication, diocèse de Saint-Claude