Jésus guérit-il encore aujourd'hui ?

La piscine de Bethesda – Bible de Zürich

Piscine Bethesda Bible de Zurich

La piscine de Bethesda. Gravure sur bois extraite de la « Bible de Zurich » éditée par Christoph Froschauer (1490-1564) entre 1529 et 1531 pour le compte de la réforme de Zwingli.

À Jérusalem, près de l’actuelle porte Saint-Étienne, se trouvait une piscine, en fait deux anciens bassins de retenue des eaux, qui servaient à laver les brebis qui étaient emmenées au Temple pour les sacrifices rituels. Cette fonction lui a donné le nom de piscine probatique (ce mot veut dire : petit bétail). Puis, les bassins devinrent des thermes dédiés à Esculape, le dieu grec chargé de guérir les malades. On lui donna alors l’autre nom de Bethzatha (maison de la grâce) ou Bethesda (où jaillit l’eau). Entre les bassins fut construit un portique à cinq arches qui explique l’expression de saint Jean : les cinq colonnades.

La tradition, précisée dans quelques manuscrits, raconte qu’un ange faisait bouillonnait l’eau (bouillonnement certainement dû au ruissellement des eaux descendant du Temple) et que le premier qui s’y plongeait était guéri quel que soit son mal. Dans la partie supérieure droite, on distingue Jésus qui s’approche, avec ses disciples, d’un homme allongé sur son lit de fortune. Un peu plus sur la gauche, guéri, il repart sur l’ordre du Christ, portant son grabat. Le fond de la scène nous montre, non les cinq portiques attendus, ni une vue de Jérusalem ou de la porte des Brebis, mais une chaîne de montagnes!

Mais, avant tout acte thaumaturgique, il est une première question que Jésus nous pose, celle de notre liberté, car il ne veut s’imposer à nous : « Veux-tu guérir ? » Peut-être qu’avant de nous demander si Jésus guérit il serait bon de s’interroger : voulons-nous vraiment être guéri ?! Et c’est là que cette gravure nous donne quelques éléments de réponse. D’abord, ce grabat que le paralytique va devoir porter. Si nous répondons « oui » à la question du Christ, il nous guérira. Mais il ne s’agira pas d’oublier ce que fut notre condition précédente, au risque de retomber. Alors, comme une anamnèse (souvenir en grec) de sa grâce, il nous confie notre grabat. Nos cicatrices guéries sont là pour nous rappeler que nous fûmes malades. Peut-être même nous donnent-elles notre vraie beauté… !!

Le deuxième signe est celui de la forme de ce bassin. Il rappelle curieusement la forme d’un baptistère. N’est-ce pas dans l’eau du baptême que nous sommes définitivement guéris de ce mal implacable qui s’appelle le péché originel, et de la mort éternelle ? La main droite de Jésus semble même l’indiquer au malade comme étant le vrai lieu de notre guérison !

Et il y a cet ange. Il ne descend pas dans la piscine baptismale, il la touche de son bâton. Comme Moïse touche de son bâton le rocher pour en faire jaillir l’eau qui étanche la soif de guérir (Nombres 20, 11), comme Moïse qui jeta son bâton dans l’eau pour la purifier de notre amertume (Exode 15, 25). Es-cepour cela que la scène se déroule dans une sorte de désert entouré de montagnes ? Ou pour nous rappeler la montagne du Golgotha sur laquelle fut crucifiée le Christ, lorsqu’un soldat de son bâton lui perçât le côté (Jean 19, 34) d’où il jaillit une source de vie ? ! !

Enfin, il y a cette multitude d’infirmes dont parle l’Évangile : un jeune homme allongé au premier plan, un adulte qui descend dans la piscine, un vieillard qui se fait porter. Peut-être sommes nous en présence des trois âges de l’homme, celui qui a passé toute sa vie infirme, et qui maintenant est guéri, relevé, sauvé ? À moins que le personnage au premier plan, allongé, qui semble avoir le ventre gonflé, soit une femme prête à accoucher ? La position de ses bras est similaire à celle du paralytique que Jésus guérit. Un nouveau monde serait-il en train de naître ? La guérison de Jésus serait-elle de nous faire quitter l’homme ancien ? « À moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? » (Jean 3, 3-4).  En nous guérissant, Jésus nous fait re-naître, renaître à un homme nouveau qui n’oubliera pas sa condition, le grabat le lui rappellera…

Comme si l’artiste avait voulu nous dire : oui, Jésus peut te guérir, si tu le veux ! Oui, Jésus te guérira de la mort éternelle dans les eaux du baptême ! Oui, Jésus te guérira et te rappellera, par ton grabat, la grâce qui t’a été faite ! Oui, Jésus, dans ton désert peut faire jaillir des sources vivifiantes ! Oui, Jésus peut purifier tes eaux acides ! Oui, c’est maintenant que Jésus guérit, qu’il fait de toi un homme nouveau : « Aujourd’hui cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, est accomplie » (Luc 4, 21). Aujourd’hui, tu vas re-naître à la grâce ! Réponds simplement à sa question…!

Père Olivier Plichon, aumônier de la communauté des français expatriés à Milan.