Jésus, oui, l'Église, non ?

Jésus oui, l'Eglise nonLa réponse de Père Philippe Louveau

Peut-on aimer Jésus et rejeter l’Eglise ? Cette attitude incite à s’interroger sur la vision que l’on a de Jésus et de l’Eglise.

Beaucoup de ceux qui s’expriment ainsi ont probablement des bonnes raisons de le faire : leur intérêt pour Jésus ne leur fait pas oublier tel contentieux personnel, familial ou culturel dont ils héritent à l’égard d’une Eglise qui a pu les décevoir, voire les blesser. L’histoire de chacun pèse lourd dans le débat ! On peut donc comprendre une telle attitude, mais l’honnêteté nous fera tout de même la questionner et peut-être même en montrer le côté paradoxal.

Convenons tout d’abord que la distinction ainsi revendiquée entre Jésus et l’Eglise est légitime. Elle est d’ailleurs bien marquée dans le Credo que les chrétiens récitent le dimanche : ils ne croient pas « en l’Église » comme ils croient « en Jésus-Christ » ! Lui seul est l’unique Médiateur et l’Église ne peut que se soumettre à sa Parole. C’est vrai. Mais nous verrons que distinguer n’est pas forcément opposer !

Sans doute n’est-il pas inutile ici, pour vérifier la pertinence du débat, d’en préciser les termes…

Quel est ce Jésus qui attire à priori ma sympathie ?

La question mérite d’être posée. En en appelant à Jésus contre son Église, quelle image est-ce que je me fais de lui ? Quelles rencontres ou paroles précises de Jésus me portent à lui donner mon adhésion ? Au fond, qu’est-ce qui me le rend si sympathique ? Est-ce le fait qu’il parle en paraboles sans se préoccuper d’imposer des dogmes et qu’il ne donne aucune consigne morale précise ? Image même de la tolérance, il laisserait chacun mener sa vie comme il l’entend.
Si tel est le Jésus auquel je me réfère, une lecture un peu attentive des évangiles me fera découvrir un Jésus bien différent de celui que je me représente. Je découvrirai aussi que vouloir être son disciple n’est pas de tout repos !

Quelle est cette Église dont je veux me tenir à distance ?

Une institution sclérosée, éloignée du message de son fondateur ? Même si il y a des pages sombres dans l’histoire de l’Eglise, il n’en reste pas moins vrai que l’Église n’est pas un accident de l’histoire, mais la communauté voulue et fondée par le Christ. Aussi, pour celui que Jésus attire, avoir partie liée avec elle n’est pas une option personnelle facultative, mais apparaît tôt ou tard comme nécessaire dès lors qu’il s’agit de répondre à l’appel du Ressuscité : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Matthieu 28, 19-20).

St Paul aime à souligner combien le baptême rend solidaires les disciples du Christ. Il parle de l’Eglise comme d’un temple spirituel dont les chrétiens sont les pierres vivantes, comme d’un corps dont ils sont les membres et dont le Christ est la Tête. Comment, dès lors, pourraient-ils la tenir à distance ? Cette Église leur a fait connaître le Christ et les a fait naître à la foi. Mieux même, elle leur apparaît aujourd’hui comme l’un des signes de la présence du Ressuscité qui leur dit : « Lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Matthieu 18,20).

Père-Philippe-LouveauPère Philippe Louveau, curé de la paroisse Saint-Cyr-Sainte-Julitte de Villejuif, diocèse de Créteil
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